La première partie
“Le conte commence…”
Au delà des monts, des plaines,
Des forêts, des mers lointaines,
Au sol, pas au firmament,
Un vieux et ses trois enfants
Vivaient dans un p’tit village.
L’aîné passait pour très sage,
Le deuxième – pour pas trop sot;
Le cadet – pour un idiot.
Charriant à la capitale
Toute la récolte estivale
(Donc, la capitale n’était
Pas loin du village, mais près),
Ils vendaient du blé, du seigle,
Comptaient bien l’argent en règle,
Avec leur sac plein d’argent,
Ils venaient chez eux, contents.
Après bien du temps ou vite,
Une mauvaise chose fut produite:
La nuit, on venait au pré
Et froissait là-bas leur blé.
Jamais de la vie, nos hommes
N’eurent de la peine comme
Ça; ils durent longtemps penser:
“Comment peut-on attraper
Les voleurs?” Puis, ils comprennent
Que, pour éviter cette peine,
Il faut toute la nuit veiller, –
Pour voir ceux qui viennent voler.
La nuit va tomber au monde,
C’est l’aîné qui fait une ronde.
Avec une fourche, une cognée,
Au champ, il lui faut aller.
Comme la nuit est bien pluvieuse,
Et il a une âme peureuse,
Effrayé par tout c’ qu’il craint,
Il se cache sous le foin.
La nuit passe, le jour commence,
Il part de sa surveillance,
S’étant j’té de l’eau au front,
Il frappe fort à leur maison:
“Ohé, vous, les grandes marmottes!
Ouvrez-moi vite, je grelotte!
Sous la pluie, je suis mouillé
De ma tête jusqu’à mes pieds.”
Les frères ouvrent vite la porte
Pour savoir ce qu’il apporte,
Ils se mettent à questionner
Leur frère sur la nuit passée.
Après des prières faites
Et après plusieurs courbettes,
Le gardien tousse, puis il dit:
“Je n’ai pas dormi cette nuit;
C’était pour moi la malchance
De l’intempérie immense:
Il a plu toute la nuit,
Ma ch’mise est mouillée, je dis.
Après cette nuit ennuyeuse,
Quand même, la fin est heureuse”.
Pour ça, le père le louait:
“Toi, Daniel, tu as bien fait!
Tu es comme un fils modèle
Qui me rend service, fidèle,
Car tu y as été et
Ne t’es pas mouché de pied”.
La nuit va tomber au monde,
Le suivant doit faire sa ronde.
Avec une fourche, une cognée,
Au champ, il lui faut aller.
Comme la nuit est très froide,
Le frisson le fait malade,
Ses dents se mettent à claquer;
Il court des champs, effrayé, –
Et toute la nuit, il fait mine
De garder l’enceinte voisine:
Il a peur, le fanfaron!
A l’aube, il est au perron:
“Ohé, vous, les grandes marmottes!
Ouvrez-moi vite, je grelotte!
La nuit, il a gelé, moi,
Je suis transi d’un grand froid!”
Les frères ouvrent vite la porte
Pour savoir ce qu’il apporte,
Ils se mettent à questionner
Leur frère sur la nuit passée.
Après des prières faites
Et après plusieurs courbettes,
Entre ses dents, il leur dit:
“Je n’ai pas dormi cette nuit,
Mon destin est mauvais, frères,
Le froid a fendu des pierres,
Aux entrailles, je suis gelé;
Toute la nuit, j’ai dû sauter;
Mais après cette nuit affreuse,
Quand même, la fin est heureuse”.
Et le père lui dit: “C’est bon,
Gabriel, mon brave garçon!”
La nuit va tomber au monde,
Le cadet doit faire sa ronde;
Mais Ivan ne s’en fait point,
Sur le four, il chante au coin
De toutes ses forces les plus bêtes:
“Oh, vos beaux yeux!..” à tue-tête.
Les frères doivent lui reprocher
Pour qu’il aille plus vite au pré,
Mais ils crient autant qu’ils puissent
Crier, sans qu’ils réussissent:
Ivan ne bouge pas, enfin,
C’est son père qui intervient
Pour lui dire: “Ecoute tes frères,
Fais ce qu’on te prie de faire,
Fais une ronde, et tu auras
Des images, des fèves, des pois”.
Alors, du four, Ivan glisse,
Cherche et met sa vieille pelisse,
Dans son sein, il met un pain
Et va faire sa ronde enfin.
La nuit tombe, la lune se lève;
Ivan fait sa ronde sans grève,
En voyant que tout est bon,
Il s’assied sous un buisson:
Au ciel, il compte des étoiles,
De son pain, il se régale.